mercredi 9 février 2011

Les magistrats défendent l’honneur de la République

Après les propos de Nicolas Sarkozy évoquant des « dysfonctionnements » et des « sanctions » suite au meurtre de cette jeune fille de 18 ans près de Saint-Nazaire, les magistrats ont entamé une révolte inédite, qui culminera jeudi et vendredi avec une grève nationale.

Les tribunaux de grande instance de Draguignan et de Toulon se mobilisent et participent au mouvement national de protestation du monde judiciaire. Comme à Draguignan la veille, une centaine de magistrats et fonctionnaires de justice toulonnais se sont réunis, mardi 8 février en fin de matinée, lors d’une assemblée générale à huis clos. Ils ont voté à 90% une motion qui dénonce « comme inacceptable et dangereuse pour la démocratie la mise en cause systématique de l’institution judiciaire par les plus hautes autorités de l’État ».

Toutes les audiences non urgentes étaient suspendues hier aux TGI de Draguignan et de Toulon. Un rassemblement est prévu demain jeudi, à 14 h 30, sur les marches du palais de justice de Toulon où une nouvelle assemblée générale aura lieu vendredi. Indigné par les propos du Président de la République, Laurent Pozzi-Pasquier, représentant à Toulon du Syndicat des avocats de France (SAF), a déploré l’« utilisation de l’insécurité pour redorer son blason et faire oublier les vrais sujets qui inquiètent ».

Les Magistrats de Draguignan ont prévu une manifestation ponctuelle

Jeudi 10 février à 14 heures


Communiqué LDH

Paris, le 9 février 2011

Les magistrats défendent l’honneur de la République

Depuis des années, la justice est instrumentalisée par le pouvoir politique, à commencer par le président de la République que la Constitution charge pourtant de garantir son indépendance.

Depuis des années, Nicolas Sarkozy désigne les parents comme responsables de l’absentéisme scolaire, les enseignants de l’échec scolaire, les psychiatres des actes des malades mentaux, les juges des actes des délinquants… Tous responsables et tous coupables, les gouvernants se croient d’ailleurs parfois tout permis. Même les policiers se retrouvent aujourd’hui visés par cette tactique qui consiste à faire payer à d’autres ses propres erreurs et sa démagogie.

Depuis des années, les coupes claires dans le budget de l’Etat affaiblissent les services publics, et en particulier ceux qui permettent de juger dans les conditions décentes les justiciables, de suivre la réinsertion des délinquants, de faire diminuer les risques de récidive. La France est aujourd’hui l’un des pays européens qui consacre le moins de moyens à sa justice : le mensonge sécuritaire recouvre le sabotage de la sécurité réelle et de l’Etat de droit.

Aujourd’hui, quelles que soient leurs opinions et leurs engagements, les magistrats, les avocats, les autres acteurs judiciaires ne supportent plus d’être accusés au mépris des faits, avant toute enquête sérieuse, par ceux-là mêmes qui abîment la justice et qui lui refusent indépendance et moyens à la hauteur de sa tâche. On a même entendu le Premier ministre enjoindre aux magistrats de se taire par compassion pour la jeune fille assassinée : l’indécence n’a décidément plus de limites.

La République a besoin d’être respectée : la garantie des droits suppose la séparation des pouvoirs. La justice a besoin d’être respectée, face aux calomnies, aux pressions politiques et au sabotage de ses conditions de fonctionnement. Les citoyens ont besoin d’être respectés, face à la démagogie qui les prend pour des imbéciles, confondant la sécurité et l’ordre public avec la politique de la peur et du pilori.

La Ligue des droits de l’Homme salue la protestation de tous les magistrats qui ne supportent plus l’exploitation mensongère du crime et de l’émotion qu’il suscite, ni l’affaiblissement, par tous des moyens, du service public judiciaire. Elle soutient leur mobilisation pour une justice digne de ce nom, pour cette « République irréprochable » cyniquement promise et quotidiennement bafouée par le comportement des gouvernants actuels.


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