mardi 27 avril 2010

Libertés, droits : il y a vraiment urgence

La LDH appelle à participer aux manifestations du 1er mai aux côtés des organisations syndicales.


Il y a trois ans, la LDH n'était pas de ceux qui voyaient dans le triomphe de Nicolas Sarkozy l'annonce d'une nouvelle ère de prospérité pour tous. La rupture ne pouvait être qu'un slogan de campagne propre à mobiliser son propre camp : réussite personnelle, insécurité zéro, travail libéré, éradication de la délinquance, bouclier fiscal, chasse aux clandestins de toutes les normes... Le tableau était tracé. Une posture martiale aux accents de réussite individuelle semblait avoir forgé un héraut.

Trois ans après, la réalité apparaît dans tous ses éclats : c'est une contre-réforme qui se met en place.

En prétendant libérer l'initiative individuelle de tous, Nicolas Sarkozy restera celui qui a permis un transfert de richesses massif vers les plus riches. Aujourd'hui, les plus pauvres sont encore plus pauvres et les plus riches sont encore plus riches. Tout l'arsenal est mis en œuvre : déréglementation du travail, démultiplication des moyens des opérateurs sur les marchés financiers, limitation de la protection sociale, réduction des services publics... Oui, pour les droits, il y a urgence !

En affirmant assurer la sécurité de tous, c'est la mise en cause de toutes les libertés qui s'est développée, l'augmentation fantastique des gardes à vue, l'aggravation systématique des peines, le recours de plus en plus large à l'emprisonnement, la diminution organisée de tous les pouvoirs indépendants de contrôle... Oui, pour les libertés, il y a urgence !

Et pour demain se profilent une révision générale des retraites qui va aggraver les inégalités, une énième réforme des lois sur le séjour des étrangers qui va criminaliser un peu plus les migrants eux-mêmes et les militants qui les soutiennent, et une réforme des procédures pénales qui se gardera bien d'assurer l'indépendance de la justice...

Mais c'est la crise, dit-on... Comme si tout le monde en supportait la même part ! C'est oublier que si elle est systémique, la vulnérabilité est différentielle, et que ce sont les plus fragiles qui en paient le prix le plus lourd, au péril de leur travail, de leur famille, de leur vie parfois.

Oui ! Pour maintenir les libertés : oui ! Pour lutter contre les inégalités, c'est l'urgence !

En ce 1er mai 2010, la LDH, ses militantes et ses militants, ses sections manifesteront aux côtés des organisations syndicales qui ont décidé de cette action commune : CGT, CFDT, FSU, Unsa et Union syndicale Solidaires. A cette occasion, la LDH rappelle qu'elle lance un appel public aux citoyens : le moment est venu de tracer entre nous, entre toutes les forces associatives, syndicales, politiques, un « pacte d'initiative » contre les régressions politiques et sociales. Un pacte qui montrera que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise. Un pacte qui définira le socle des droits fondamentaux, indivisibles, inaliénables et universels. Un pacte qui affirmera que le temps est venu de dépasser les batailles éphémères et ponctuelles pour (re)construire une société de solidarité.


Rendez-vous à samedi 1er Mai à 10h30 devant la sous-préfecture de DRAGUIGNAN

vendredi 23 avril 2010

LA BD SUR LA PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES







La protection des données personnelles est inhérente au respect de la vie privée. Les technologies de l'information et de la communication (TIC) nous facilitent la vie de tous les jours ( téléphone, Internet, messagerie, blogs, réseaux sociaux) mais, sans que nous y prenions garde, nous conduisent à confier de plus en plus nos données personnelles et à nous mettre "sous surveillance".

"Sous surveillance": dans une ville européenne indéterminée, des jeunes travaillent, étudient, voyagent, tiennent des blogs, publient sur des forums, se retrouvent au concert... Un épisode très délicat" de la vie d'un jeune photoreporter, la mobilisation de ses amis pour le sortir de cette situation illustrent les atteintes à la protection des données personnelles que peut induire l'utilisation des nouvelles technologies. La BD en souligne les conséquences mais aussi les recours posssibles. Un glossaire et les références de sites utiles complètent cette BD.

Une publication éditée par la LDH, en collaboration avec Edri, l'AEDH, Pangea et luRe
Février 2010, 32 pages, format 13/23 cm.

“outrage au drapeau” : la garde des Sceaux a tout faux


Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création


La Fnac, qui se promeut comme agitateur de curiosité, a publié la photographie d’un jeune Niçois désignée comme coup de cœur dans la catégorie « politiquement incorrecte » lors d’un concours organisé par elle à Nice en mars. Pour la censurer le lendemain, en « accord avec l’auteur ». De quoi s’agit-il ? D’un homme de dos qui se frotte le postérieur avec un drapeau de la République.


L’Observatoire de la liberté de création tient à dénoncer cette censure, mais il tient à féliciter la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, pour la notoriété que son agitation procure au cliché en question. En revanche, l’Observatoire de la liberté de création s’inquiète des connaissances juridiques de la ministre.

En effet, alors que le délit de l’article 433-5-1 du Code pénal ne vise l’outrage au drapeau qu’au cours d’une manifestation organisée ou règlementée par les autorités publiques, il est manifestement inapplicable à un concours organisé par la Fnac. Pourtant, la ministre n’a pas hésité à demander une enquête pénale, tout en reconnaissant par la voix de son porte-parole que, peut-être, la loi ne s’appliquait pas.

Ce peut-être est même certain puisque le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 13 mars 2003, imposé une réserve d’interprétation à cet article qui est tout à fait claire : sont exclus du champ d’application de l’article critiqué les œuvres de l’esprit, les propos tenus dans un cercle privé, ainsi que les actes accomplis lors de manifestations non organisées par les autorités publiques ou non réglementés par elles.

La ministre fait savoir depuis hier, puisque le parquet de Nice lui a répondu qu’il avait, en bonne logique juridique, classé sans suite cette « affaire » il y a un mois déjà, qu’elle réfléchissait à la création par décret d’une contravention de cinquième classe sanctionnant de tels agissements. Voilà une copie qui vaudrait à un étudiant en droit un zéro pointé.

L’Observatoire de la liberté de création rappelle à la ministre que la loi pénale ne peut avoir d’effet rétroactif, d’une part, et que la voie réglementaire se doit, tout autant que la loi, de respecter la Constitution, laquelle protège le principe de la liberté d’expression. L’Observatoire de la liberté de création invite la ministre à lire attentivement la décision du Conseil constitutionnel, qui invalide par avance toute tentative de sa part de soumettre les œuvres de l’esprit à un tel interdit.

Paris, le 23 avril 2010

Signataires
- Acid, Association du cinéma indépendant pour sa diffusion
-Cipac, Fédération des professionnels de l’art contemporain
- Fraap, Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens
- Groupe 25 images
- Ligue des droits de l’Homme
- SFA, Syndicat français des artistes interprètes
- SRF, Société des réalisateurs de films
- UGS, Union Guilde des scénaristes

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Peut-on s'essuyer les fesses avec les symboles nationaux ?

22/04/2010

Déchirer ou brûler le drapeau tricolore. Siffler la Marseillaise ou représenter une Marianne nue. Peut-on tout faire avec les symboles de la République ?

Par Aurore Lartigue (Journaliste- Les Inrocks




Un homme en train de s’essuyer les fesses avec le drapeau tricolore. La photo, primée le 6 mars dans la catégorie "Politiquement incorrect" d’un concours organisée par la Fnac de Nice a fait grand bruit. La question n’est pas vraiment de savoir si on peut utiliser le drapeau tricolore comme du papier toilette ou si la photo est d’un goût douteux. Mais plutôt si l’on peut être condamné pour ce genre de provocation.


Selon l'article 433-5-1 de 2003 du Code pénal, la réponse est oui : "Le fait, au cours d'une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d'outrager publiquement l'hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 euros d'amende." Et le texte ajoute que "lorsqu'il est commis en réunion, cet outrage est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende."


Choqué par la photo, le préfet de Nice avait donc saisi le procureur de la République de Nice.

Sauf qu'en 2003, dans la foulée de cette loi, le Conseil constitutionnel avait émis une réserve à cette disposition, considérant que "sont exclus du champ d'application les œuvres de l'esprit".


C'est là que le bât blesse. L’artiste, auteur de la photo, ne saurait donc être poursuivi. Une réserve qui n’a pas échappé au procureur de la République de Nice, Eric de Montgolfier, lequel avait d’ores et déjà classé le dossier sans suite. Seulement, mercredi, la ministre de la Justice a indiqué vouloir faire "évoluer" la loi si elle ne prévoit pas de sanctionner "un acte aussi intolérable".

"La liberté d'expression prime toujours"

Un emballement qui fait bien rire l’avocat Emmanuel Pierrat. La loi de 2003 sur l’outrage au drapeau et à l’hymne national a été votée après le match de foot France-Algérie, au cours duquel la Marseillaise avait été copieusement sifflée. "Autrement dit, on a voté dans la précipitation une loi démagogique. Et, à ma connaissance, depuis, elle n’a pas servi."


Il poursuit : "Devant un juge, il y a de grandes chances que la loi ne tienne pas. En droit, on prend toujours en compte l’élément matériel et l’élément intentionnel. Dans le cas d’un drapeau brûlé par exemple, l’élément matériel, c’est le fait de brûler le drapeau. L’élément intentionnel, le fait d’outrager le drapeau. C’est vague... Il faudrait prouver qu’il y a une intention haineuse, ce qui semble compliqué. Et dans le cas de cette photo, le côté artistique l’emportera toujours," juge l'avocat.

D'autant que, jusqu’à preuve du contraire, dans une démocratie, la liberté d’expression est un droit. "En France, la liberté d’expression prime toujours, tranche Emmanuel Pierrat. La déclaration universelle de 1789 fait partie intégrante de notre Constitution. Dans la hiérarchie législative, cette loi imbécile sur l’outrage au drapeau ou à l’hymne national est toujours inférieure."


En cas de condamnation, les recours sont nombreux

Mais admettons qu'en dépit de tout cela, le photographe soit quand même condamné, il existe des recours. En Cour de cassation puis devant la Cour européenne des droits de l’homme. Et, elle ne plaisante pas avec la liberté d'expression. L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme précise, en effet, que la liberté d'expression "vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction de la population."


Conclusion : la loi vous interdit de piétiner, déchirer ou de vous essuyer les fesses avec le drapeau tricolore. Ou de huer la Marseillaise. Mais dans la pratique, les risques d'avoir des ennuis avec la justice sont minces.

"On voit bien qu’une loi contre l’outrage à la Marseillaise n’a pas de sens, sourit Emmanuel Pierrat. Il faudrait enlever des bacs la version de Gainsbourg et toutes les parodies. Sans compter que la version officielle a déjà été amputée de deux couplets, ce qui signifie qu’elle a déjà été outragée !"




samedi 10 avril 2010

Prise de position du Comité central de la LDH dans le débat sur le voile intégral

Auteur de l'article :LDH


Depuis l’affaire de Creil en 1989, la LDH a maintenu avec constance sa position, joignant la critique du port du foulard et du voile, au nom de l’émancipation des femmes, au refus de toute loi excluante, stigmatisante et empiétant sur les libertés publiques. Or, il se trouve qu’aujourd’hui cette position est celle de nombreux citoyens et responsables politiques et en particulier celle de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, alors même que le débat s’est crispé.

Bien plus rédhibitoire que le foulard, on a vu apparaître le port ultra-minoritaire mais spectaculaire du voile intégral ; le gouvernement a lancé un débat sur l’identité nationale, très vite identifié par l’opinion comme un débat sur l’Islam ; le premier ministre nous annonce une loi interdisant le port de la burqa. Disons tout de suite, pour sortir de la confusion, que parler de « burqa » est un abus de langage : le mot désigne le costume généralement bleu, entièrement fermé, avec un grillage devant les yeux, imposé aux femmes par la société afghane. Le voile intégral, noir, d’origine saoudienne, est une négation rédhibitoire de la personne, mais il ne renvoie pas à l’horreur meurtrière des talibans. Dramatiser le débat, s’il en était besoin, n’est pas innocent.

Nous tenons à affirmer un certain nombre d’éléments essentiels.

1- La laïcité n’a rien à voir dans la question du voile intégral

Les législateurs de 1905 s’étaient résolument refusés à réglementer les costumes, jugeant que c’était ridicule et dangereux : ils préféraient voir un chanoine au Parlement en soutane plutôt qu’en martyr. La laïcité qu’ils nous ont léguée et à laquelle nous sommes fortement attachés, c’est la structure du vivre ensemble : au-dessus, la communauté des citoyens égaux, la volonté générale, la démocratie ; en dessous, des communautés partielles, des syndicats, des associations, des Eglises, une socialisation multiple et libre qui peut même se manifester ou manifester dans l’espace public, mais en aucun cas empiéter sur la volonté générale, et enfin la singularité des individus qui choisissent librement et combinent entre elles leurs croyances et leurs appartenances.

En conséquence, le politique n’a ni à se mêler de religion, ni à traiter une religion différemment des autres ; la loi n’a pas à régler les convictions intimes qu’elle suppose chez les individus ; la République n’a pas à dire ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas mais à protéger également tous ceux qui résident sur son territoire, sauf s’ils mettent en cause l’ordre public.

Le pluralisme religieux et culturel est constitutif de l’unité de la France, qui a toujours connu à la marge des dérives fanatiques, intégristes ou sectaires déplorables mais éphémères. Donc laissons la laïcité tranquille.

2- L’égalité hommes-femmes attend une vraie politique

L’argument principal, et tout à fait justifié sur le fond, contre le port du voile, c’est qu’il signale de manière radicale l’infériorisation des femmes. C’est bien le cas si le port du voile est imposé par le mari ou un autre homme de la famille. Dans ce cas, la France dispose des outils législatifs permettant à une femme de déposer une plainte pour contrainte ou séquestration et d’obtenir le divorce aux torts de son mari ; sachant bien sûr combien cette démarche peut être difficile pour elle.

Mais il peut s’agir aussi, comme l’attestent de nombreux témoignages, d’une servitude volontaire. Or la liberté ne s’impose jamais par la force ; elle résulte de l’éducation, des conditions sociales et d’un choix individuel ; on n’émancipe pas les gens malgré eux, on ne peut que leur offrir les conditions de leur émancipation. Pour faire progresser l’égalité et la mixité entre les hommes et les femmes, ce qui est urgent, c’est de promouvoir des politiques dans les domaines éducatifs, salariaux et professionnels, des droits sociaux, un meilleur accès à la santé et à la maîtrise de la procréation. Ces problèmes concernent des millions de femmes dans la France d’aujourd’hui et ne sont en rien traités de façon prioritaire. Un abcès de fixation sur quelques centaines de cas ne fait certainement pas avancer l’égalité, qui appelle au contraire à revenir à la solidarité entre toutes les femmes.

3- Une surenchère de discriminations n’est pas la solution

La question du voile intégral renvoie en réalité à un profond malaise des populations concernées, auxquelles la République n’a pas pu ou pas été capable de faire une place. D’où l’apparition de vêtements et de coutumes dont la signification est très complexe, depuis le port du foulard par des adolescentes des banlieues comme signe identitaire jusqu’à ce voile intégral qui est un paradoxe : à la fois dissimulateur de la personne et signe ultra-visible, provocateur, d’un refus de la norme sociale, sous prétexte tantôt de religion, tantôt de pudeur. Même si nous réprouvons ce choix, ce n’est pas une raison pour essentialiser et déshumaniser des femmes qu’on réduit à un signe abstrait et que l’on exclut de toute vie publique.

Interdire le voile, c’est conforter la posture de ces femmes, c’est en faire doublement des victimes : résultat absurde d’une volonté soit-disant émancipatrice. Elles porteraient seules le poids d’une interdiction imposée en grande partie par la domination masculine, et cette interdiction les exclurait à coup sûr de la cité. En revanche tous les musulmans, hommes compris, se sentiraient blessés par une loi qui ne toucherait que l’islam.

4- Droits et libertés

Ce serait en plus ouvrir une voie extrêmement dangereuse en termes de libertés publiques. Réglementer les costumes et les coutumes est une pratique dictatoriale ; que ce soit de façon discriminatoire, pour signaler une population donnée, ou au contraire par l’imposition d’une règle universelle. Obliger les femmes à porter le voile comme leur interdire de cacher leur visage (sauf dans les cas prévus où l’identité doit être prouvée) est également liberticide.

Si une telle hypothèse est présente, c’est que la société française a été profondément intoxiquée par des idées venues de l’extrême-droite et qui se sont infiltrées jusque dans la gauche : la peur de l’immigré, de l’étranger, les relents de notre histoire coloniale, la tentation de l’autoritarisme.

La LDH a une tout autre conception de la démocratie, des droits, de l’égalité et des libertés.

4- Vivre ensemble

La LDH refuse les termes d’un débat instrumentalisé, qui risque de déboucher sur une loi perverse et dangereuse.

Des millions de musulmans vivent en France, et pour beaucoup vivent mal. Ce n’est pas un ministère de l’Identité nationale qui résoudra leurs problèmes et qui leur offrira un avenir, mais des politiques sociales et anti-discriminatoires ; c’est un travail politique, citoyen, de réflexion sur les conditions du “vivre ensemble“.

C’est aussi leur responsabilité individuelle et collective, qui attend par exemple, pour ceux qui sans en avoir la nationalité résident en France, le droit de vote pour pouvoir s’exercer.