mercredi 22 janvier 2014

IVG : rien n’est jamais définitivement acquis


article communiqué de la section LDH de Toulon  de la rubrique discriminations > femmes 
date de publication : dimanche 19 janvier 2014

Selon la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), le nombre d’IVG (interruption volontaire de grossesse) reste stable en France, autour de 210 000 par an. Depuis 1976, le taux est passé de 19,6 cas pour 1000 femmes de 15 à 49 ans à 14,6 en 2011. En 2009, l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) indiquait que 72% des IVG sont réalisées sur des femmes sous contraception, n’ayant donc pas pris de risque délibéré [1]. La loi Veil n’a donc pas provoqué l’explosion du nombre d’IVG pronostiquée par certains.
Aujourd’hui, un amendement au projet de loi pour l’égalité hommes-femmes propose de supprimer la notion de "situation de détresse" pour recourir à l’avortement. Les anti-IVG, mécontents, manifestent à Paris.
Ci-dessous un communiqué signé par plusieurs associations varoises.


« Il faut convaincre les femmes de notre peuple de l’absolue nécessité d’assumer leur fonction de reproduction. » 
Jean-Marie Le Pen [2]

« Rien n’est jamais définitivement acquis. Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes » 
Simone de Beauvoir [3]


Avortement : l’amendement qui pousse les anti-IVG dans la rue
[par Guillaume Stoll, Le Nouvel Observateur, le 19 janvier 2014]

Un amendement au projet de loi pour l’égalité hommes-femmes propose de supprimer la notion de "situation de détresse" pour recourir à l’avortement. Les anti-IVG, mécontents, manifestent à Paris.
Un amendement met le feu aux poudres dans les rangs des opposants à l’IVG. Jusqu’ici, au terme de la loi Veil de 1975, une femme pouvait recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dès lors que "son état la [plaçait] dans une situation de détresse". Mais mi-décembre, des députés PS ont choisi de supprimer en commission cette notion de "situation de détresse", considérant qu’une femme enceinte qui, tout simplement, "ne veut pas poursuivre une grossesse", peut "demander à un médecin l’interruption de grossesse".
L’amendement socialiste doit encore être débattu en séance lundi, dans le cadre du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. La différence sémantique qu’il introduit ne devrait rien changer dans la pratique. Pourtant, il suscite de très vives réactions. Aussi bien du côté des défenseurs d’une lecture stricte de la loi Veil, principalement des parlementaires de droite, que des opposants historiques au texte, près de 40 ans après son adoption.
"L’idée d’une détresse ne correspond pas à la situation des femmes", a argumenté en commission la député PS Axelle Lemaire, co-auteure de l’amendement. Et de rappeler au passage qu"aujourd’hui, quelque 35% des femmes en France recourent à l’IVG au moins une fois dans leur vie. Il n’empêche. Cette modification a réveillé les adversaires historiques de l’avortement. Dans un contexte explosif ravivé par les débats qui agitent actuellement l’Espagne, les anti-IVG se sont ainsi donné rendez-vous dimanche 19 janvier place Denfert-Rochereau à Paris, vers 14 heures, pour manifester contre ce changement du texte. Qui risque, selon eux, de générer "une banalisation de l’avortement".
Les débats dans l’hémicycle s’annoncent vifs. Plusieurs députés de l’opposition ont prévu de batailler ferme contre l’amendement, qui devrait être soutenu par le gouvernement. Le député UDI, Jean-Christophe Fromantin, confie par exemple au Nouvel Observateur qu’il déposera un amendement de suppression pour revenir aux "réserves initiales" de la Loi Veil et en "garder l’esprit" d’origine.
"L’état actuel de la loi est satisfaisant, abonde son collègue UMP Hervé Mariton, qui juge "inutile" l’amendement PS. "L’avortement doit rester possible en France. Il n’y a pas de demande de changement dans la société française", ajoute-t-il.
Antis et pros IVG dans la rue
Si l’adoption du texte remanié dans l’hémicycle ne fait guère de doute, le débat devrait à nouveau s’inviter dans la rue. Revigorés par les manifestations anti-mariage homo de l’an dernier et par l’initiative espagnole limitant l’avortement, des associations proches des milieux catholiques tentent de remobiliser leurs troupes autour de ce sujet qui cristallise les tensions. Le collectif d’associationsLa Marche pour la vie, qui manifeste dimanche, juge que cet amendement à été initié par "un lobbying des féministes" qui vise à "promouvoir l’avortement comme un droit".
Alors qu’en Espagne, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy s’apprête à restreindre les possibilités d’avorter aux cas de viol et de menaces "durable et permanente" sur la santé de la femme enceinte, une délégation de sénateurs espagnols a prévu de se joindre ce dimanche à la manifestation contre l’avortement.
Le même jour, les pros-IVG ont également promis de donner de la voix puisqu’ils organisent une contre-manifestation dans le 13e arrondissement parisien. Assiste-t-on au retour d’une opposition frontale entre les deux camps comme dans les années 80-90 ?
Dénonçant "les lobbies très conservateurs" qui opèrent en Europe, la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem a déjà prévenu que "les libertés fondamentales", comme le droit à l’avortement, feront partie intégrante du débat des prochaines élections européennes. De quoi raviver les passions.

L’IVG une loi, un droit à défendre
[Source : Souriez vous êtes soignés, le 17 janvier 2013.]

Elena vient consulter au planning familial. Elle est enceinte. Cette grossesse n’était pas prévue, elle prend la pilule. Mais la pilule, malheureusement, ça s’oublie parfois et en apprenant cette nouvelle, son copain l’a quittée.
Alors dans cette situation, elle souhaite interrompre sa grossesse.
Depuis 1975 et la loi Simone Veil, toute femme enceinte qui s’estime placée dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse, qu’elle soit majeure ou mineure, avant 14 semaines d’aménorrhée.
C’est un mouvement militant féministe ayant lutté plusieurs dizaines d’années qui a permis cette avancée dans l’égalité homme-femme, et ce droit de choisir d’avoir ou non des enfants.
Mais l’IVG est toujours un droit à défendre !
Pour preuve, la loi espagnole était l’une des plus progressistes en Europe, autorisant l’IVG jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée, sans justification (comme en France), et jusqu’à 22 semaines en cas d’anomalie du fœtus. Une décision le 20 décembre dernier du gouvernement Espagnol vient de réduire de manière drastique ce droit.
L’avortement reste possible dans seulement 3 cas :
  • suite à un viol, justifié par un dépôt de plainte
  • en cas de grave danger encouru par la femme, attesté par deux médecins différents et étrangers à l’établissement pratiquant l’IVG
  • en cas de malformation fœtale, confirmée par rapports médicaux.
Autre recul : les mineures devront avoir obligatoirement l’autorisation de leurs parents pour interrompre une grossesse...
Les personnes pratiquant l’IVG en France sont de tout bord politique et religieux, et le pratiquent dans le respect de la femme.
Ne l’oublions pas, l’IVG : une loi, un droit à défendre




Communiqué commun d’associations varoises
Le droit à l’avortement, un droit fondamental
En 2010, le Gouvernement Zapatero avait vaincu les conservatismes en donnant aux femmes espagnoles un droit à l’avortement sans restriction durant les quatorze premières semaines de grossesse.
En 2014, à travers un projet de loi « de protection de la vie du conçu et des droits de la femme enceinte » le Gouvernement conservateur Rajoy, sur fond de crise économique et sociale, entend supprimer cette liberté en interdisant l’interruption de grossesse, sauf cas exclusifs de viol ou de « grave danger » pour la vie ou la santé du fait de la grossesse, avec, dans ces deux cas, un strict contrôle social et médical et une autorisation parentale pour les mineures de plus de 16 ans. Ce projet de loi renvoie les femmes à un statut social étroit, de soumission, et rouvre la porte aux drames de grossesses non désirées et d’IVG clandestines.
Cette régression catastrophique en Espagne menace de se répandre en Europe. Les extrêmes-droites, qui considèrent les femmes comme des sous-citoyennes incapables de décider par elles-mêmes, indignes de pouvoir disposer de leur corps, entendent constituer un lobby européen anti-avortement, et mener une propagande active dans les autres pays de l’Union européenne.
A la veille du quarantenaire de la promulgation de la « loi « Veil » relative à l’interruption volontaire de grossesse, précédée de nombreuses années de lutte pour l’émancipation des femmes, nous exprimons notre solidarité aux femmes et aux hommes qui, en Espagne, combattent aujourd’hui la perte de cette liberté fondamentale.
En France, nous demandons aux Partis et aux candidats aux prochaines élections européennes la dénonciation claire de ce recul et un engagement en faveur du progrès de l’égalité des femmes et des hommes, qui passe nécessairement par la reconnaissance des droits spécifiques des femmes, notamment :
  • les droits à l’accès aux moyens contraceptifs et préventifs, à l’information sur ceux-ci,
  • le droit à l’éducation sexuelle,
  • le droit à l’avortement, qui n’est ni une tolérance, ni une faveur, mais un droit humain fondamental des femmes et des couples à maîtriser leur fécondité et à décider de leur vie,
  • des services d’IVG dans le cadre des systèmes de santé publics des États membres, de qualité, légaux, sûrs et accessibles à toutes, y compris aux femmes non résidentes.
Toulon, le 19 janvier 2014
Premiers signataires (mise à jour le 22 janvier) :
les sections de la LDH de Toulon, La Seyne-sur-Mer, Draguignan, Saint-Maximin et Istres-Ouest-Provence, le Planning Familial du Var, CADAC-Droits des femmes de Draguignan, Observatoire méditerranéen de la laïcité Carqueiranne, FSU du Var, SUD Education Var, UNEF Toulon, MJS 83, Comité de Défense des Familles et des Invidivus (CDFI) Toulon, Laïcité l’Observatoire PACA, UFAL, Union des Familles Laïques de PACA, Libre Pensée 04 ADLPF, ASTI Var, Union Syndicale Solidaires du Var, EELV 83

P.-S.
Compléments

Notes
[2] Déclaration du président d’honneur du Front national, le 17 janvier 2014, en visite à la fédération du FN. Interrogé sur le droit à l’avortement remis en cause en Espagne.
[3] Cité par Claudine Monteil, Simone de Beauvoir, Modernité et engagement, éd. L’Harmattan, septembre 2009, page 242.