Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
La Fnac, qui se promeut comme agitateur de curiosité, a publié la photographie d’un jeune Niçois désignée comme coup de cœur dans la catégorie « politiquement incorrecte » lors d’un concours organisé par elle à Nice en mars. Pour la censurer le lendemain, en « accord avec l’auteur ». De quoi s’agit-il ? D’un homme de dos qui se frotte le postérieur avec un drapeau de la République.
L’Observatoire de la liberté de création tient à dénoncer cette censure, mais il tient à féliciter la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, pour la notoriété que son agitation procure au cliché en question. En revanche, l’Observatoire de la liberté de création s’inquiète des connaissances juridiques de la ministre.
En effet, alors que le délit de l’article 433-5-1 du Code pénal ne vise l’outrage au drapeau qu’au cours d’une manifestation organisée ou règlementée par les autorités publiques, il est manifestement inapplicable à un concours organisé par la Fnac. Pourtant, la ministre n’a pas hésité à demander une enquête pénale, tout en reconnaissant par la voix de son porte-parole que, peut-être, la loi ne s’appliquait pas.
Ce peut-être est même certain puisque le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 13 mars 2003, imposé une réserve d’interprétation à cet article qui est tout à fait claire : sont exclus du champ d’application de l’article critiqué les œuvres de l’esprit, les propos tenus dans un cercle privé, ainsi que les actes accomplis lors de manifestations non organisées par les autorités publiques ou non réglementés par elles.
La ministre fait savoir depuis hier, puisque le parquet de Nice lui a répondu qu’il avait, en bonne logique juridique, classé sans suite cette « affaire » il y a un mois déjà, qu’elle réfléchissait à la création par décret d’une contravention de cinquième classe sanctionnant de tels agissements. Voilà une copie qui vaudrait à un étudiant en droit un zéro pointé.
L’Observatoire de la liberté de création rappelle à la ministre que la loi pénale ne peut avoir d’effet rétroactif, d’une part, et que la voie réglementaire se doit, tout autant que la loi, de respecter la Constitution, laquelle protège le principe de la liberté d’expression. L’Observatoire de la liberté de création invite la ministre à lire attentivement la décision du Conseil constitutionnel, qui invalide par avance toute tentative de sa part de soumettre les œuvres de l’esprit à un tel interdit.
Paris, le 23 avril 2010
Signataires
- Acid, Association du cinéma indépendant pour sa diffusion
-Cipac, Fédération des professionnels de l’art contemporain
- Fraap, Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens
- Groupe 25 images
- Ligue des droits de l’Homme
- SFA, Syndicat français des artistes interprètes
- SRF, Société des réalisateurs de films
- UGS, Union Guilde des scénaristes
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Peut-on s'essuyer les fesses avec les symboles nationaux ?
22/04/2010
Déchirer ou brûler le drapeau tricolore. Siffler la Marseillaise ou représenter une Marianne nue. Peut-on tout faire avec les symboles de la République ?
Par Aurore Lartigue (Journaliste- Les Inrocks
Un homme en train de s’essuyer les fesses avec le drapeau tricolore. La photo, primée le 6 mars dans la catégorie "Politiquement incorrect" d’un concours organisée par la Fnac de Nice a fait grand bruit. La question n’est pas vraiment de savoir si on peut utiliser le drapeau tricolore comme du papier toilette ou si la photo est d’un goût douteux. Mais plutôt si l’on peut être condamné pour ce genre de provocation.
"La liberté d'expression prime toujours"
Un emballement qui fait bien rire l’avocat Emmanuel Pierrat. La loi de 2003 sur l’outrage au drapeau et à l’hymne national a été votée après le match de foot France-Algérie, au cours duquel la Marseillaise avait été copieusement sifflée. "Autrement dit, on a voté dans la précipitation une loi démagogique. Et, à ma connaissance, depuis, elle n’a pas servi."
En cas de condamnation, les recours sont nombreux
Mais admettons qu'en dépit de tout cela, le photographe soit quand même condamné, il existe des recours. En Cour de cassation puis devant la Cour européenne des droits de l’homme. Et, elle ne plaisante pas avec la liberté d'expression. L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme précise, en effet, que la liberté d'expression "vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction de la population."
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